Page 29 - Les tabernacles du Québec des XVIIe et XVIIIe siècles
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ill. 71
Graveur français non identifié
Saint Jean de Dieu, fondateur de l’Ordre
de la Charité, 1691
Gravure tirée de l’ouvrage
La vie de St Jean de Dieu instituteur et
patriarche de l’Ordre des Religieux de la
Charité par Jean Girard de Villethierry
Archives du CCQ

tonsuré et imberbe, pieds nus et vêtu d’un scapulaire et d’un capuce, se révèle être saint Jean de Dieu (1495-
1538), le fondateur des Frères de la Charité devenu ultérieurement l’Ordre de Saint Jean de Dieu. La statuette
ayant perdu ses mains et l’attribut que celles-ci tenaient, l’identification du personnage a été un réel casse-tête
(ill. 70 et 71)145. Une fois l’identité du personnage établie, il a été possible de découvrir le lieu d’origine du tabernacle.
S’en est suivi une proposition de datation.

Conservé au maître-autel de la chapelle – nous le présumons –, le meuble est ensuite transmis avec l’ensemble
de l’œuvre aux Sœurs de la Charité qui prennent en charge l’hôpital en 1747. Quelques décennies plus tard,
Philippe Liébert sculpte pour les religieuses un nouvel autel majeur. Celles-ci décident dans un premier temps
de mettre le vieux tabernacle de côté puis, autour de 1800, de le vendre à une paroisse dans le besoin,
une information qu’elles colligent :

« Le tabernacle de la Paroisse de Saint André de la Rivière aux Raisins a été acheté ici par Mr Rodrigue
McDonell »146.

Portant aujourd’hui le nom de Saint Andrews West, cette municipalité ontarienne, qui s’étend en bordure de la
rivière Raisin, est située au nord de Cornwall. Le père Roderick MacDonell, missionnaire catholique originaire
d’Écosse, y serait arrivé en 1785 afin de desservir à la fois la mission de Saint-Régis (aujourd’hui Akwesasne) et
celle de Saint-André (située à proximité de la précédente) qui ne sera érigée canoniquement en paroisse qu’en
1802. Utilisé durant des décennies au maître-autel de l’église locale, ce tabernacle atypique et surprenant peut
dorénavant être admiré dans la sacristie.

145. C’est l’historien de l’art Martin Rhainds qui a permis l’identification du personnage par sa découverte d’une estampe publiée
dans La vie de St Jean de Dieu instituteur et patriarche de l’ordre des religieux de la Charité (Paris, chez Daniel Horthemels, 1691)
par Jean Girard de Villethierry (1641-1709). Faut-il rappeler que Jean de Dieu est canonisé en 1690 alors que la construction
de l’Hôpital Général se met en branle ? Quoi de plus naturel alors pour les Hospitaliers montréalais qui s’inspirent de son œuvre
que de chercher à l’associer au meuble qu’ils font sculpter vers 1695 pour leur chapelle. Mentionnons enfin qu’il faut plus qu’un
statut de « vénérable » ou de « bienheureux » pour figurer sur un tabernacle.

146. Archives des Sœurs de la Charité de Montréal, dites Sœurs Grises, Ancien Journal, vol. 1, 1688-1857, p. 99.

Chapitre iii Les sculpteurs de la région de Québec • 77
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