Page 7 - Les tabernacles du Québec des XVIIe et XVIIIe siècles
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se certaine, l’histoire a déjà retenu de ces rencontres heureuses des scientifiques de la restauration et de la
conservation que de grandes campagnes de restauration nourrissent en amont de grands projets d’exposition.
Le CCQ salue à ce titre le MNBAQ pour ses initiatives exemplaires de préservation et de mise en valeur du
patrimoine québécois ancien, moderne et contemporain qui ont influencé une multitude d’autres musées et de
collectionneurs dans la protection, la restauration et la diffusion d’œuvres d’art. Parmi de nombreux exemples
de partenariats entre nos deux institutions émanent du lot les expositions Louis Jobin, maître sculpteur (1986),
Louis-Philippe Hébert, sculpteur national (2001), Suzor-Coté. Lumière et matière (2002), Antoine Plamondon.
Jalons d’un parcours artistique (2005), Marc-Aurèle Fortin. L’expérience de la couleur (2011). En cette matière,
on ne peut passer non plus sous silence un projet d’une envergure sans précédent à l’échelle canadienne qui
a rassemblé les spécialistes des deux institutions en marge d’une exposition soulignant en 1994 le quinzième
anniversaire de fondation du Centre de conservation du Québec, Restauration en sculpture ancienne.
Audacieuse, singulière et courageuse, cette exposition – une première – expliquait et présentait au grand
public les principes et la pratique de la restauration, de la conservation et de la préservation du patrimoine. Les
visiteurs découvraient comment les restaurateurs, en pénétrant la nature des choses, pouvaient redonner vie à
des chefs-d’œuvre absolus. Le relief Saint Martin partageant son manteau avec un pauvre, attribué à François
Guernon, dit Belleville, en aura été un des témoignages les plus spectaculaires.

Parmi les tabernacles qui font l’objet du présent ouvrage, plusieurs ont été restaurés au CCQ au cours des ans,
certains menant à des restaurations d’une rare ampleur et à la redécouverte de chefs-d’œuvre nationaux logés
au cœur même de la sculpture canadienne. L’ancien maître-autel de la paroisse de Sainte-Anne-de-la-Pérade,
réalisé par le plus grand ornemaniste et statuaire de son temps, Pierre-Noël Levasseur, brille aujourd’hui de tous
ses ors retrouvés sous des épaisseurs de surpeints. La restauration du tabernacle des Jésuites de Montréal,
œuvre du doyen des sculpteurs québécois Jacques Leblond de Latour, a révélé des aménagements inédits
dans l’ordonnancement de ce meuble de grand style qui pare la collection du Musée des maîtres et artisans du
Québec. Les frères François-Noël et Jean-Baptiste-Antoine Levasseur, sculpteurs prolifiques, ont marqué leur
génération par des tabernacles-écrans et une ornementation rocaille, comme le souligne à merveille l’ensemble
de la chapelle du Séminaire de Québec en dépôt aux Musées de la civilisation. Le remarquable maître-autel
de l’ancienne chapelle de l’Hôpital Général de Montréal, LA pièce maîtresse de Philippe Liébert offerte par les
Sœurs Grises au MNBAQ, est l’un des fleurons de l’art canadien. Une mention spéciale vaut pour le décor
intérieur de la chapelle des Ursulines de Québec signé Pierre-Noël Levasseur, un sommet dans son genre, en
particulier son tabernacle principal au style baroque exubérant conservé pour l’essentiel en l’état, et ce depuis
plus de 275 ans. Les restaurateurs du CCQ y ont réalisé d’importants travaux durant quatre ans et en ont tiré
une documentation qui fait école et qui est en partie à l’origine du projet du livre que vous avez entre les mains.

Rassembler une telle information sur les tabernacles du Québec des xviie et xviiie siècles ne pouvait toutefois se
faire sans rigueur intellectuelle, constance dans l’effort et partage des données. Les auteurs, soudés comme
des frères dans leur projet, y ont consenti une énergie hors du commun en s’appuyant certes de manière
respectueuse sur les travaux de leurs prédécesseurs, mais en tirant parti aussi des redécouvertes majeures
qui découlent de la restauration des chefs-d’œuvre de plusieurs maîtres sculpteurs, qu’il leur a fallu toujours
réinterpréter et apprécier comme des œuvres d’art à part entière et toujours aussi sur la base de comparaisons
historiques et stylistiques extrêmement poussées. Nous tenons également à souligner, sur cette lancée, la
collaboration à nul autre pareil du photographe scientifique principal du CCQ, Michel Élie, dont les formidables
photographies ajoutent à la publication une valeur documentaire inestimable. Une véritable passion pour le

X • Les tabernacles du Québec des xviie et xviiie siècles
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