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Lutter contre les plantes envahissantes nuisibles 51
Beaucoup de chercheurs se questionnent sur de même indéniable que plusieurs envahisseurs
la pertinence des campagnes de lutte dans causent des dommages, et je trouve légitime
les écosystèmes naturels quand on connaît de vouloir les combattre – pas pour racheter
leur succès et les coûts qu’elles engendrent. les péchés, mais pour réduire l’envergure des
Ce questionnement est particulièrement problèmes – pourvu bien sûr que la solution
présent en Europe où les écosystèmes ont ne soit pas pire que la nuisance causée par
presque tous une forte empreinte humaine, l’envahisseur. Mon rôle comme biologiste est
et où la naturalité est toute relative. Certains de conseiller le professionnel ou le citoyen
chercheurs estiment même futile, pour ne pas pour qu’il adopte les meilleures pratiques
dire irresponsable, un tel exercice. Le biologiste de lutte. Elles doivent non seulement être
efficaces, mais aussi responsables d’un point
9français Jacques Tassin écrit : de vue environnemental. Si j’étais agronome,
je ferais de même avec le producteur agricole.
« Une campagne d’élimination d’espèces invasives Les quelques rares bilans qui ont été publiés sur
peut s’envisager comme un rituel sacrificiel destiné les campagnes de lutte en nature26 indiquent
à nous racheter de nos propres péchés [envers qu’on utilise dans plus de la moitié des cas
la nature]. Éliminer un bouc émissaire permet, des herbicides pour faire le travail. À titre
au moins le temps d’un simulacre, d’enrayer comparatif, en agriculture, la répression
virtuellement ce bouleversement du monde dont des mauvaises herbes se fait avec des herbi-
nous somm es les premiers acteurs et responsables. cides, seuls ou avec d’autres outils de lutte,
Cette posture tient pour autant de la schizophrénie, dans probablement plus de 90 % des fermes
puisqu’en combattant les espèces invasives au sein au Canada. Dans les écosystèmes naturels
des espaces naturels, lieu où il affirme ne pas avoir envahis, les chances de succès de la lutte
sa place, l’homme agit de manière que cette nature sont d’autant plus élevées que les travaux
sauvage s’ajuste à l’idée qu’il s’en fait ! ». ne commencent pas plus tard que quatre années
après l’arrivée ou la détection de l’envah isseur.
Tassin, 2014, p. 112. Est-il nécessaire de préciser que mieux on est
préparé, plus élevées seront les possibilités
Jacques Tassin s’inscrit dans une mouvance de réussite ? Mais même en mettant toutes
qui veut que les invasions biologiques soient les chances de son côté, le succès est loin
des phénomènes sans doute exacerbés par d’être garanti et il faut toujours garder en tête
les humains, mais pas moins naturels pour qu’on fait face à des organismes remarquable-
autant. Selon lui, elles contribuent à former ment bien équipés pour se défendre.
de nouveaux écosystèmes (de nouveaux
assemblages d’espèces) qui seront diffé-
rents, mais aussi fonctionnels que ceux qu’ils
remplaceront. C’est possible, mais il est tout
26 Kettenring et Reinhardt Adams, 2011 ; Pluess et al., 2012a, 2012b.
Beaucoup de chercheurs se questionnent sur de même indéniable que plusieurs envahisseurs
la pertinence des campagnes de lutte dans causent des dommages, et je trouve légitime
les écosystèmes naturels quand on connaît de vouloir les combattre – pas pour racheter
leur succès et les coûts qu’elles engendrent. les péchés, mais pour réduire l’envergure des
Ce questionnement est particulièrement problèmes – pourvu bien sûr que la solution
présent en Europe où les écosystèmes ont ne soit pas pire que la nuisance causée par
presque tous une forte empreinte humaine, l’envahisseur. Mon rôle comme biologiste est
et où la naturalité est toute relative. Certains de conseiller le professionnel ou le citoyen
chercheurs estiment même futile, pour ne pas pour qu’il adopte les meilleures pratiques
dire irresponsable, un tel exercice. Le biologiste de lutte. Elles doivent non seulement être
efficaces, mais aussi responsables d’un point
9français Jacques Tassin écrit : de vue environnemental. Si j’étais agronome,
je ferais de même avec le producteur agricole.
« Une campagne d’élimination d’espèces invasives Les quelques rares bilans qui ont été publiés sur
peut s’envisager comme un rituel sacrificiel destiné les campagnes de lutte en nature26 indiquent
à nous racheter de nos propres péchés [envers qu’on utilise dans plus de la moitié des cas
la nature]. Éliminer un bouc émissaire permet, des herbicides pour faire le travail. À titre
au moins le temps d’un simulacre, d’enrayer comparatif, en agriculture, la répression
virtuellement ce bouleversement du monde dont des mauvaises herbes se fait avec des herbi-
nous somm es les premiers acteurs et responsables. cides, seuls ou avec d’autres outils de lutte,
Cette posture tient pour autant de la schizophrénie, dans probablement plus de 90 % des fermes
puisqu’en combattant les espèces invasives au sein au Canada. Dans les écosystèmes naturels
des espaces naturels, lieu où il affirme ne pas avoir envahis, les chances de succès de la lutte
sa place, l’homme agit de manière que cette nature sont d’autant plus élevées que les travaux
sauvage s’ajuste à l’idée qu’il s’en fait ! ». ne commencent pas plus tard que quatre années
après l’arrivée ou la détection de l’envah isseur.
Tassin, 2014, p. 112. Est-il nécessaire de préciser que mieux on est
préparé, plus élevées seront les possibilités
Jacques Tassin s’inscrit dans une mouvance de réussite ? Mais même en mettant toutes
qui veut que les invasions biologiques soient les chances de son côté, le succès est loin
des phénomènes sans doute exacerbés par d’être garanti et il faut toujours garder en tête
les humains, mais pas moins naturels pour qu’on fait face à des organismes remarquable-
autant. Selon lui, elles contribuent à former ment bien équipés pour se défendre.
de nouveaux écosystèmes (de nouveaux
assemblages d’espèces) qui seront diffé-
rents, mais aussi fonctionnels que ceux qu’ils
remplaceront. C’est possible, mais il est tout
26 Kettenring et Reinhardt Adams, 2011 ; Pluess et al., 2012a, 2012b.