Page 7 - Architectures d'exposition
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actéristiques de styles particuliers qui constituent ces l’expérience du Musée en matière de contenus pluridiscipli-
ensembles20 », note le comité consultatif sur le projet d’agran- naires, par exemple le succès de l’exposition visuelle et sonore
dissement du Musée. Warhol Live : la musique et la danse dans l’œuvre d’Andy Warhol,
ouvrait le champ des possibles sur un inconnu à imaginer. La
Pour Safdie, « créer l’unité dans la diversité21 », soit construire sérendipité est ici exemplaire du processus de réflexion qui a
un édifice homogène sur le territoire fragmenté du melting-pot abouti, en 2011, à une combinaison unique pour un musée des
montréalais, est une gageure : « Le Musée des beaux-arts de beaux-arts qui gère une salle de concert professionnelle26.
Montréal, de tous les musées que je connaisse, sera sans Aujourd’hui, quelque 160 concerts y sont présentés chaque
doute le plus urbain […]. Ici tous les aspects de Montréal année grâce à cette ingénieuse reconversion et à un parte­
sont ramenés vers l’édifice. » Visionnaire, il ajoute : « J’ai alors nariat innovant, un succès au-delà des anticipations. Procurant
compris, presque par accident, le pouvoir de cette nouvelle une expérience synesthésique chère à Baudelaire, le Musée
entrée dans l’axe de l’avenue du Musée. Si dans l’avenir, inventait de la sorte un dialogue original et décloisonné.
l’église Erskine and American devenait propriété du Musée
et partie de cet ensemble, l’avenue qui pourrait devenir Complémentaires dans leur sémantique, l’église affirme son
­piétonne porterait alors son vrai nom22. » caractère patrimonial avec son entrée par l’ancienne crypte,
rue Sherbrooke, tandis que la fonction muséale se dévoile avec
1894-2011 : un lieu de culte versus un lieu de culture transparence dans l’adjonction. De nouveau, la soudure des
deux parties crée un contraste : légèreté contre massivité, lumi-
Témoignant des changements dans l’histoire sociale, le patri- nosité marmoréenne contre austérité du calcaire gris et du
moine religieux au Québec, détruit ou en désaffectation, grès brun. Formant une paroi picturale, une fresque de marbre,
voit son avenir faire l’objet d’un débat23 : sa réhabilitation est toujours du Vermont, incarne le lien physique et symbolique
néanmoins favorisée en 2006 par le ministère de la Culture. entre le musée d’hier et d’aujourd’hui. Matériau noble rarement
Il faut cependant attendre 2008 pour que l’église voisine utilisé au Canada, le marbre, signifiant muséal par excellence,
du musée, alors fermée au culte, soit achetée par ce dernier reconfigure une unité dans ce complexe composite.
en vue de sa reconversion. Reconnu lieu historique d’intérêt
national en 1998, l’édifice néoroman avait été bâti en 1894 par Permettant un recentrage, l’avenue du Musée devient dès
le Canadien Alexander Cowper Hutchison (1838-1922) pour lors essentielle pour articuler en perspective et fédérer en
une congrégation presbytérienne. ­surface les trois ensembles qui forment le Musée des beaux-arts
de Montréal27. Agrémentée de jardins de sculptures, elle
Si la programmation d’une adjonction à l’arrière, commandée devient piétonne pendant la période estivale... et le sera éven-
à l’agence montréalaise Provencher Roy et Associés archi- tuellement toute l’année. Ce recyclage éthique d’un patrimoine
tectes24, se précise rapidement avec des galeries muséales, restauré, lui-même objet de collection, promeut les valeurs
la nef grandiose à coupole centrée de type byzantin25 reste sociales d’un musée citoyen, engagé dans la vie politique de
inadaptée aux exigences muséologiques. Son usage sera la cité au sens étymologique du terme. La force d’exemplarité
déterminé grâce à une rencontre providentielle avec Pierre de cette reconversion architecturale exigeante et complexe,
Bourgie, mélomane et collectionneur en quête d’une salle de loin d’être une solution économique, est soulignée par l’Institut
concert pour s’investir dans la musique de chambre. En outre,

q Vue sur le mont Royal depuis la lucarne du pavillon q Pavillon d’art québécois et canadien Claire-et-Marc-Bourgie,
Jean-Noël-Desmarais situé rue Sherbrooke Ouest ; 2011, construit par Provencher Roy et Associés architectes,
à droite, le clocher de l’église Erskine and American, avenue du Musée.
et à gauche, le pavillon Michal-et-Renata-Hornstein.
PHOTO : PAUL BOISVERT
PHOTO : BRIAN MERRETT, 1991

Architectures d’exposition au Québec Nathalie Bondil | 27
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