Page 6 - Architectures d'exposition
P. 6
LLEY HORNSTEIN
Shelley Hornstein est professeure d’histoire de l’architecture et de culture visuelle à l’Université York,
à Toronto. Ses cours portent sur différents thèmes, dont l’architecture et la mémoire, la cartographie
de la culture et les représentations de la métropole moderne. Titulaire d’un doctorat de l’Université
de Strasbourg (sous la direction de Marc Bloch), elle a été vice-doyenne de l’Université York,
codirectrice du Centre for Feminist Research, et à deux reprises directrice du Département d’arts
plastiques de l’Atkinson College. Elle a enseigné précédemment à l’Université Concordia, à Montréal,
et à l’Université Laval, à Québec.
Dans ses recherches, elle s’interroge sur les intersections entre lieu et mémoire dans les sites
architecturaux et urbains. Ses travaux les plus récents portent sur les notions de tourisme archi-
tectural, de cosmopolitisme et d’identité nationale dans l’œuvre d’Albert Kahn, un banquier français
qui a constitué une collection de photographies autochromes entre 1909 et 1930. En parallèle, elle
explore des questions relatives à la démolition, à l’espace virtuel, aux espaces identitaires juifs et
aux rapports entre architecture et droits de l’homme. Ses recherches et son enseignement lui ont
valu plusieurs prix, dont le Walter L. Gordon Fellowship et le tout premier eLearning Award, décerné
en 2014 par l’Université York (School of the Arts, Media, Performance and Design).
Son ouvrage le plus récent, Losing Site : Architecture, Memory and Place, est paru aux éditions
Ashgate en 2011. Parmi ses nombreuses publications, on compte Capital Culture : A Reader on
Modernist Legacies, State Institutions, and the Value(s) of Art (McGill-Queen’s University Press, 2000),
Image and Remembrance : Representation and the Holocaust (Indiana University Press, 2002), et
Impossible Images : Contemporary Art After the Holocaust (NYU Press, 2003). [PHOTO : LARA RABINOVITCH]
Court-circuit : exposer l’art /chitecture
Le court-circuit ou un musée exposé à l’envers. Envisager la ville en tant
q u’exposition permet en effet de repenser la notion de galerie
Lorsque le praticien de guerilla art JR a remporté le prix ou de musée comme espace clos ou intérieur. Pour ce faire,
TED en 2011 pour son projet participatif global Inside Out, on il faut toutefois s’interroger sur la fixité de nos cartes mentales,
lui a demandé si l’art pouvait changer le monde. Avec ses lesquelles enregistrent souvent l’architecture et les lieux de la
p hotographies surdimensionnées collées aux murs, aux toits ville comme autant d’objets et d’espaces immuables, figés pour
ou sur des ponts, il a alors affirmé vouloir « amener l’art dans toujours dans l’ambre4. Les expositions urbaines temporaires
des endroits improbables, et créer avec la communauté des comme celles de l’artiste JR exigent que nous redéfinissions
projets si grands que les gens seraient obligés de poser […] l’art public comme un art du public : une « art/chitecture », selon
des questions [traduction libre]1 ». Jadis étiqueté comme moi, où chaque projet amorce un nouveau récit qu’un public
graffeur2, JR a échangé un jour ses bombes de peinture contre en mouvement doit incarner, avant de quitter les lieux une fois
un appareil photo et des portraits en gros plan, dont il a tapissé le délai échu5. Ces événements peuvent constituer pour les
des galeries de rue illégales un peu partout dans le monde. citoyens un véritable moment de « réinitialisation » – que ces
De Paris à la favela Morro da Providência de Rio de Janeiro, en derniers soient automobilistes, piétons, cyclistes ou résidents
passant par New Delhi, où JR utilisait des pochoirs collants locaux, en déplacement ou à l’arrêt. Ne serait-ce que de façon
pour capter les poudres colorées lancées dans les airs durant momentanée, ils prêtent un potentiel nouveau aux interstices
le festival de Holi, les spectateurs sont devenus à la fois les entre les édifices et les rues, ainsi qu’aux ponts ou aux plans
conservateurs et les acteurs de ses initiatives, contribuant d’eau qui marquent les limites de la ville.
à la prise des photos et à leur montage sur les façades des
édifices3. L’œuvre de feu Melvin Charney a été une véritable précurseure
en la matière, puisque les principes qui régissent une grande
Cet essai aborde les expositions dans la ville et la ville elle- partie de son travail se développent autour de l’« art/chitec-
même comme exposition, dans le but d’ébranler l’idée reçue ture ». Avant d’aborder des œuvres plus contemporaines,
voulant que la rue ne soit rien de plus qu’un contenant inversé
14 | ShellEy Hornstein Architectures d’exposition au Québec
Shelley Hornstein est professeure d’histoire de l’architecture et de culture visuelle à l’Université York,
à Toronto. Ses cours portent sur différents thèmes, dont l’architecture et la mémoire, la cartographie
de la culture et les représentations de la métropole moderne. Titulaire d’un doctorat de l’Université
de Strasbourg (sous la direction de Marc Bloch), elle a été vice-doyenne de l’Université York,
codirectrice du Centre for Feminist Research, et à deux reprises directrice du Département d’arts
plastiques de l’Atkinson College. Elle a enseigné précédemment à l’Université Concordia, à Montréal,
et à l’Université Laval, à Québec.
Dans ses recherches, elle s’interroge sur les intersections entre lieu et mémoire dans les sites
architecturaux et urbains. Ses travaux les plus récents portent sur les notions de tourisme archi-
tectural, de cosmopolitisme et d’identité nationale dans l’œuvre d’Albert Kahn, un banquier français
qui a constitué une collection de photographies autochromes entre 1909 et 1930. En parallèle, elle
explore des questions relatives à la démolition, à l’espace virtuel, aux espaces identitaires juifs et
aux rapports entre architecture et droits de l’homme. Ses recherches et son enseignement lui ont
valu plusieurs prix, dont le Walter L. Gordon Fellowship et le tout premier eLearning Award, décerné
en 2014 par l’Université York (School of the Arts, Media, Performance and Design).
Son ouvrage le plus récent, Losing Site : Architecture, Memory and Place, est paru aux éditions
Ashgate en 2011. Parmi ses nombreuses publications, on compte Capital Culture : A Reader on
Modernist Legacies, State Institutions, and the Value(s) of Art (McGill-Queen’s University Press, 2000),
Image and Remembrance : Representation and the Holocaust (Indiana University Press, 2002), et
Impossible Images : Contemporary Art After the Holocaust (NYU Press, 2003). [PHOTO : LARA RABINOVITCH]
Court-circuit : exposer l’art /chitecture
Le court-circuit ou un musée exposé à l’envers. Envisager la ville en tant
q u’exposition permet en effet de repenser la notion de galerie
Lorsque le praticien de guerilla art JR a remporté le prix ou de musée comme espace clos ou intérieur. Pour ce faire,
TED en 2011 pour son projet participatif global Inside Out, on il faut toutefois s’interroger sur la fixité de nos cartes mentales,
lui a demandé si l’art pouvait changer le monde. Avec ses lesquelles enregistrent souvent l’architecture et les lieux de la
p hotographies surdimensionnées collées aux murs, aux toits ville comme autant d’objets et d’espaces immuables, figés pour
ou sur des ponts, il a alors affirmé vouloir « amener l’art dans toujours dans l’ambre4. Les expositions urbaines temporaires
des endroits improbables, et créer avec la communauté des comme celles de l’artiste JR exigent que nous redéfinissions
projets si grands que les gens seraient obligés de poser […] l’art public comme un art du public : une « art/chitecture », selon
des questions [traduction libre]1 ». Jadis étiqueté comme moi, où chaque projet amorce un nouveau récit qu’un public
graffeur2, JR a échangé un jour ses bombes de peinture contre en mouvement doit incarner, avant de quitter les lieux une fois
un appareil photo et des portraits en gros plan, dont il a tapissé le délai échu5. Ces événements peuvent constituer pour les
des galeries de rue illégales un peu partout dans le monde. citoyens un véritable moment de « réinitialisation » – que ces
De Paris à la favela Morro da Providência de Rio de Janeiro, en derniers soient automobilistes, piétons, cyclistes ou résidents
passant par New Delhi, où JR utilisait des pochoirs collants locaux, en déplacement ou à l’arrêt. Ne serait-ce que de façon
pour capter les poudres colorées lancées dans les airs durant momentanée, ils prêtent un potentiel nouveau aux interstices
le festival de Holi, les spectateurs sont devenus à la fois les entre les édifices et les rues, ainsi qu’aux ponts ou aux plans
conservateurs et les acteurs de ses initiatives, contribuant d’eau qui marquent les limites de la ville.
à la prise des photos et à leur montage sur les façades des
édifices3. L’œuvre de feu Melvin Charney a été une véritable précurseure
en la matière, puisque les principes qui régissent une grande
Cet essai aborde les expositions dans la ville et la ville elle- partie de son travail se développent autour de l’« art/chitec-
même comme exposition, dans le but d’ébranler l’idée reçue ture ». Avant d’aborder des œuvres plus contemporaines,
voulant que la rue ne soit rien de plus qu’un contenant inversé
14 | ShellEy Hornstein Architectures d’exposition au Québec